Proscrire la pratique illégale de l’ingénierie pour protéger le public et notre profession

Au Québec, la pratique illégale de l’ingénierie mécanique est un problème largement répandu. De nombreux projets, chaînes de production ou machines sont conçus, fabriqués ou installés sans l’apport des compétences d’ingénieurs, membres en règle de l’Ordre des Ingénieurs du Québec (OIQ). Pourtant, les actes de conception et de surveillance sont des actes réservés aux ingénieurs.

Dans la plupart des domaines d’ingénierie, la présence des ingénieurs dans le processus est exigée par les donneurs d’ordre – c’est-à-dire les organisations, entreprises ou responsables de projets qui commanditent ou supervisent les travaux –, que ce soit en génie civil, construction, ou structures. Cette exigence est similaire dans les autres provinces du Canada, même lorsqu’il n’existe pas d’ordre professionnel.  Il en est de même aux États-Unis et en Europe. Dans toutes ces régions, la présence d’ingénieurs qualifiés est obligatoire, sous peine de compromettre la poursuite, l’utilisation ou la commercialisation des produits ou projets concernés.

Malheureusement, au Québec, dans les secteurs industriel, mécanique et de l’automatisation, la présence d’ingénieurs n’est pas toujours exigée. Cette pratique, bien que souvent illégale, est très répandue. Trop souvent, des individus possédant un certain talent en dessin s’improvisent concepteurs de produits ou de machines. Les lacunes techniques ou logistiques qui en résultent peuvent compromettre non seulement l’efficacité des machines, mais aussi la sécurité des utilisateurs et des actifs tangibles ou non.

Éduquer et sensibiliser : une responsabilité collective

La promotion de la profession d’ingénieur doit aller au-delà de campagnes publicitaires simplistes. Il est essentiel d’expliquer clairement ce que signifie la protection du public. L’OIQ doit être le principal promoteur de cette information.  D’autant plus que la protection du public ne repose pas uniquement sur le maintien ou l’amélioration des compétences de ses membres, mais aussi sur l’élimination de la pratique illégale exercée par des acteurs non qualifiés.

Comment endiguer cette pratique illégale ?

  1. Solidarité professionnelle : Les ingénieurs doivent refuser de fermer les yeux sur cette concurrence déloyale et dénoncer celle-ci à l’OIQ.
  2. Dénonciation : L’OIQ encourage déjà la dénonciation des pratiques illégales et réalise des enquêtes sérieuses suite à ces dénonciations.  
  3. Sensibilisation des entreprises : Il est crucial d’informer les entreprises sur les avantages de faire appel à des ingénieurs qualifiés, tout en leur expliquant les risques liés à la pratique illégale, notamment en termes de responsabilité civile et pénale (ex. : implications avec la CNESST).  Les entreprises doivent aussi être conscientes des conséquences légales et pécuniaires liées à la réalisation ou à l’encouragement de la pratique illégale.
  4. Collaboration avec les assureurs : L’OIQ pourrait aussi informer les assureurs en responsabilité civiles des risques financiers qu’ils encourent en couvrant les activités des entreprises utilisant sciemment des machines ou des processus non conformes.
  5. Inspections systématiques : Une équipe d’inspection pourrait être créée pour visiter les entreprises, ateliers de soudure et d’usinage qui s’affichent comme concepteurs, designers ou en mesure de réaliser l’ingénierie de projets.  

Lutte contre les logiciels pirates

La concurrence déloyale est aggravée par l’utilisation de logiciels pirates par certains dessinateurs, techniciens ou ingénieurs indépendants. Ces pratiques illégales peut non seulement compromettent la qualité du travail, mais créent également un préjudice économique pour les entreprises respectant la loi, ainsi que pour les entreprises dont les revenus dépendent de la vente ou la maintenance des dits logiciels.

Garantir la pérennité des consultants en pratique privée

L’élimination de la pratique illégale est nécessaire non seulement pour protéger le public, mais aussi pour assurer la viabilité des consultants et ingénieurs en pratique privée. Ces derniers doivent composer avec une concurrence déloyale de personnes sans assurance professionnelle obligatoire, utilisant des outils illicites et facturant des honoraires dérisoires.  La dénonciation par les parties lésées devrait aussi être promue par l’OIQ.

Conclusion

Pour protéger le public et revaloriser la profession d’ingénieur, il est impératif de mettre fin à la pratique illégale de l’ingénierie et aux agissements frauduleux. Des actions concertées de la part de l’OIQ, des entreprises et des professionnels sont essentielles pour garantir un avenir où l’ingénierie repose sur des compétences reconnues, réglementées et respectées de tous.  Personne, ni les patients, ni l’Ordre des Médecins du Québec, ni les médecins eux-mêmes ne laisserait passivement un « faux médecin » réaliser une opération ou donner des diagnostiques… Pourquoi n’en serait-il pas de même dans le domaine de l’ingénierie ?

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